Grande Rocheuse…, non ce n’est pas au Canada, ni aux États-Unis, mais juste à côté du sommet de l’Aiguille Verte ! Une pure voie mixte (ED- IV 5+ M6) ouverte en 1994 par Robert Jasper. Notre ambassadeur Raphaël Georges et son compagnon de cordée Antonin sont allés tutoyer pour nous cette voie splendide. Voici leur récit……épique !
Il est toujours agréable, après une dure journée, de pouvoir enfin rejoindre les bras de Morphée. Retrouver la chaleur de la couette, le moelleux du matelas. Il faut dire que cette fois nous avons bien « tiré sur la machine ».
Il y a certains rêves, comme ça, un peu bizarres, où l’on entend une voix lointaine prononcer son prénom. « Raph, Raaaaaph, mais qu’est-ce que tu fous ??? » C’est dingue, pas moyen de dormir tranquille ici. Bon, je pousse un petit grognement contrarié, ça devrait suffire pour faire taire cette petite voix, et puis hop, c’est parti pour trois jours de dodo !
Déséquilibré, je me heurte à la paroi. Encore bien endormi, je mets environ trente secondes à réaliser que mon lit douillet vient de se transformer en une vire pleine de neige. C’est bon, ça me reviens : je suis dans les rappels du couloir Whymper, en train de me mettre une trouille mémorable pour descendre ce maudit couloir, de nuit et dans le brouillard, sinon ce n’est pas drôle.
Mon compagnon de chambrée, ou de cordée peu importe, celui qui hurle à en faire palir de jalousie Joey Starr himself, c’est Antonin. Alors, petite présentation d’Antonin : skieur, parapentiste et alpiniste accompli, il est aussi un excellent grimpeur de dry tooling. La légende raconte qu’à lui tout seul, il a usé l’équivalent de son poids en lames de piolet. C’est dire. Antonin, c’est surtout un joyeux compagnon avec un solide mental. Idéal pour la course que l’on vient de réaliser : « Late to say I’m sorry », en face nord de la Grande Rocheuse.
Si on remonte un peu le temps, jusqu’au moment fatidique et tant redouté des alpinistes (en tous cas de moi), on nous retrouvera au refuge d’Argentière, devant une brioche aux pépites de chocolat et un bol de thé. Il est trois heures du matin.
Après un bon petit-déjeuner, rien de mieux qu’une bonne douche pour finir de se réveiller. Deux heures plus tard, heureusement la rimaye va nous offrir cette opportunité ! Arrivé au pied de celle-ci, un peu hésitant à l’idée d’avoir de la neige dans le caleçon, j’opte pour un passage plus difficile, mais qui ne requiert pas la compétence « apnée ».
La rimaye une fois passée, nous voici sur le Couturier, que l’on va remonter jusqu’à la goulotte et à la voie à proprement parler. La neige a fait place à la glace, c’est parti pour une « carbonisation de mollets » en règle.
450 mètres plus haut, nous sommes (enfin) dans la première longueur de la voie. Les sections de goulottes et de plaquages plus ou moins verticaux, que la voie nous propose, sont accueillis comme une délivrance par mes petits mollets : mes amis triceps et biceps vont pouvoir prendre le relais !
Les 6 longueurs qui vont suivre sont absolument magnifiques : de fines langues de glace incrustées dans de superbes dièdres orangés, de beaux pas de mixtes, du gaz et quelques sections, comment dire, aléatoires ? Bref, tout ce qu’il faut pour que chaque longueur ne nous laisse pas indifférents.
La suite du programme : 250m de couloir en neige, puis une arête facile qui mène jusqu’au sommet. En somme, une section où l’on court. Habituellement. Notre acclimatation du moment étant proche du zéro absolu, la-dite « course » va se transformer en une longue reptation, digne d’une ascension en Himalaya…
Une fois au sommet, comme nous ne pouvions plus monter, nous avons commencé la descente (sic !). Ce qui nous amène au début de mon récit, je ne vais donc pas m’étendre d’avantage sur le sujet. Pour terminer, allez, juste trois mots pour le plaisir : corde coincée, errance, et flegmatisme relatif. De bons souvenirs en tous cas !
Le topo de « Late to say I’m sorry » à la Grande Rocheuse
Source : notre partenaire Camp to camp
Altitude min / max : 2600m / 4102m
Altitude du début des difficultés : 3100m
Dénivelé des difficultés : 700m
Dénivelé de l’approche : 500m
Configuration : goulotte
Orientation principale : N
Temps de parcours : 1 jour
Cotation globale : ED-
Engagement : IV
Qualité de l’équipement en place : P3
Cotation glace : 5+
Cotation mixte : M6
Descente : couloir Whymper
Depuis les blocs émergents du Couturier :
L1 : mixte 60°
L2 : mixte 60°/80° / 50m relais équipé au pied de la goulotte
L3 : avec traversée à droite 60°/70° / 20m
L4 : goulotte mixte 60°/80° / 5m en A2 puis glace fine 85° 5 points en place 50m
L5 : mixte puis glace fine 75°/85° / 50m relais équipé
L6 : glace fine 80° / 50m relais équipé
L7 : 60°/70° 15m relais équipé
Du sommet de la goulotte, remonter la pente sur 250m pour atteindre l’arête et le sommet de la grande rocheuse
Matériel spécifique utilisé et testé par Raph et Antonin à la Grande Rocheuse
- Corde BEAL Ice-line en 60m
- Casque PETZL Sirocco
- Lampe frontale PETZL Tikka
- Anneaux PETZL Finn’anneau