Jamais 2 sans 3 : la Allain-Leininger aux Drus par Raph et Émile

Fouler le sommet du Petit Dru est un rêve d’alpiniste. Après avoir manqué de peu ce fameux sommet lors de la Direct américaine en juillet dernier, puis lors du Couloir Nord direct en mars dernier, Raphaël Georges, et son compagnon de cordée Émile, ont récidivé, dans la Allain-Leininger, et avec succès ! Voici le récit de cette superbe voie par Raph.

C’est en 1935, que les deux grimpeurs de Fontainebleau, Pierre Allain et Raymond Leininger ouvrent cette voie en face nord et nord-ouest du Petit Dru.

On doit aux clubs de Fontainebleau de l’époque beaucoup d’innovations, comme le premier topo d’un site d’escalade, mais aussi dès 1945, une classification des grimpeurs de ce lieu particulier :

0 : Matthieu
1er degré : Lamentable débris
2e degré : Pauvre Corniaud
3e degré : Tendre espoir popoffiste
4e degré : Honorable grimpeur
5e degré : Puissant Seigneur du Gratton
6e degré : Vénéré Maître, Très Pure Lumière du Rocher

À Pierre Allain, on doit ce qui allait révolutionner notre pratique de la montagne, puisqu’il inventa, entre autres : le sac de couchage en duvet, le mousqueton en alliage léger, les chaussons d’escalade, le descendeur, etc.

Drus-Frederic-Bunoz
Crédit photo : Frédéric Bunoz.

Le récit de Raph

Après la Direct américaine et le Couloir nord direct, respectivement avortés sous le sommet à cause du mauvais temps et de la nuit, l’envie de fouler la cime de ce monumental menhir était à son paroxysme (et oui, tout ça).

Vous l’avez compris, direction les Drus (pour changer), et encore une fois, c’est avec Émile, lui aussi est resté sur sa faim, que je partagerai cette course. Autant dire que les ambitions sont grandes : la Lesueur au Drus. Une voie ouverte en 1952, et répétée pour la première fois en libre et en hivernale par Christophe Dumarest et Yann Borgnet en 2012. Le problème, outre les difficultés de voie, c’est le relativement court créneau dons nous nous disposons : 2 jours, marche d’approche comprise.

La marche d’approche vite avalée (il faut dire qu’on commence à connaître), nous nous retrouvons à l’attaque. Pour une fois, nous avons pris tout le matériel préconisé par le topo : 2 jeux de friends jusqu’au 2, un 3 et 4, un jeu d’Alien, etc. Bref, c’est plutôt bien équipé que j’attaque la première rampe en 3-4.

La 1ère rampe.
La 1ère rampe.

Vers 11H30, nous sommes à l’intersection : à gauche la Lesueur, à droite la Allain-Leininger. D’ici nous avons une vue parfaite sur la ligne. Jusqu’à présent plus que rébarbative, elle apparaît comme une évidence, d’une imparable logique : c’est maintenant un puissant appel à l’escalade….estivale ! En effet, pas une once de glace à l’horizon.

Si l’entreprise paraissait sérieuse  avec ce départ aussi tardif, elle nous semble à ce moment hasardeuse : 16 longueurs de mixte sévère (avec un bonus en dry….) nous séparent du premier bivouac potentiel. Si on continue, c’est soit on grimpe le M7 de nuit, soit on dort en mode saucissons serrés. Bref, une nuit bien réparatrice en perspective ! Frappés d’une « raisonnite » aigus nous choisissons de faire la Pierre Allain / Raymond Leininger. À droite toute !

Au tour d'Émile de passer en tête. On ne dirait pas, mais il est content !
Au tour d’Émile de passer en tête. On ne dirait pas, mais il est content !

La tension retombe d’un bon cran, l’escalade est certes toute aussi longue, mais moins difficile et moins engagée en ce qui concerne les possibilités de bivouac. L’itinéraire, bien que tortueux, est plutôt logique : toujours au plus facile. Heureusement, car nous n’avons pas pris de topo (note de l’auteur : il ne s’agit aucunement d’un oubli, mais de la pure volonté à affûter notre sens de l’itinéraire….).

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Un peu de glace au fond de ce magnifique dièdre. Que demander de plus ?
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Relais.

Nous rencontrons notre première vraie difficulté à quelques longueurs de la niche. Mais attention, il ne s’agit là pas de difficulté, au sens classique du terme. Vous savez ,celle qui fait mal au bras à cause de la violence des fermetures, ou de l’intensité qu’impose l’escalade.

Non, là nous sommes face à une problématique de type « renfougnesque ».

La longueur suivante va nous réconcilier avec l’escalade : 50m de mixte bien soutenu et varié, dans une belle ambiance. Et, cerise sur le gâteau, le soleil est avec nous, miam !

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La plus belle longueur de la partie inférieure (sous la niche).
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Qu’il est bon de regarder son compagnon en train de bagarrer, alors qu’on est au soleil….
Une longueur avant la niche.
Une longueur avant la niche.

Puis vient la fameuse niche, « ce coup de pouce d’un géant dans la glaise de nos montagnes ». Bon ok, on l’a déjà sortie celle-là… :-)

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Dans la niche. En regardant bien, on peut apercevoir le sommet. Mais bon, il reste encore une trotte !
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La traversée…..
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…..suite et fin.

Après quelques longueurs plus facile et, il faut l’avouer, quelques errances aussi, nous arrivons au bivouac.

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Pas mécontent de celle-là…..

La suite du programme ? Un lyoph et au dodo. Avec une première partie de la nuit à regarder les étoiles, et à se demander si un jour nous aurons des réponses aux mystères de l’univers. Puis la deuxième partie de la nuit en position fœtale, à se demander quand les séries de 50 pompes vont commencer à être vitales…

Le lendemain est plutôt difficile, le corps encore endolori de la veille (et refroidi de la nuit) a du mal à se remettre en marche. Nous avançons lentement. D’autant plus que les fissures se prêtent plutôt mal au mixte. En particulier la fameuse « fissure Allain », définition-même de la rouste, qui finira de cramer  réchauffer nos muscles.

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2 ou 3 assouplissements, après une nuit un peu froide…
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On dirait pas comme ça, mais il faut bastonner un peu quand même…

3733m d’altitude, la vierge est là. Du haut de ses 75 cm, elle domine toute la Vallée de Chamonix. Il n’y a pas à dire, ça fait un sacré socle pour une si petite statue !  Assis à ses côtés, tout en contemplant la vue, je repense à tout ce qui a fallu pour en arriver là : 2600m d’escalade entre 6c et M8, cinq jours en paroi répartis en trois tentatives, sur à peu près un an de temps.

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L’arrivée au sommet. Derrière, sur fond bleu, la Verte.
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On a eu le coup de foudre !

PS : merci Émile pour ces deux jours en montagne « bien cool », et je peux le dire : pas de boulette à signaler cette fois ! :-)

Le topo de la voie

Retrouvez le topo complet de la voie Allain-Leininger en Face Nord-nord-ouest du Petit Dru sur Camp To Camp.

Photo : Camp to Camp.
Photo : Camp to Camp.

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Jamais 2 sans 3 : la voie Allain-Leininger aux Drus

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