Vous ne connaissez pas encore le projet « Un océan de sommets » des frères Hénot (Alexandre et Valentin) ? Le projet est devenu réalité et c’est aux îles Lofoten, en Norvège, que l’équipage a posé ses amarres.
Équipage ? Amarres ? Y aurait-il un voilier derrière tout ça ? :-)
Car voici comment tout a commencé…
Un océan de sommets : quézako ?
Partis de Cherbourg le 22 mars dernier, l’Atlantique Nord va être leur terrain de jeu pendant 18 mois, avec des escales en Norvège, en Islande, au Groenland, en France, au Portugal, aux Canaries, aux Açores, en République Dominicaine, à Miami, aux Bermudes, puis un retour en France prévu à l’automne 2016 normalement.
Voici quelques explications des intéressés :
« Nous sommes deux frères passionnés de mer et de montagne au départ d’un tour de l’Atlantique Nord. Le kayak pour l’un, l’alpinisme pour l’autre, il fallait un objectif commun pour nous rassembler. C’est tout naturellement que l’idée du voilier est apparue.
Notre bateau « Startijenn », nous portera sur les flots jusqu’à nos destinations rêvées :
- Ski de randonné dans les fjords des îles Lofoten en Norvège
- Visite de l’Islande et de ses sources chaudes
- Grandes premières en escalade sur les faces vierges du Groenland
- Au plus près de la nature, en kayak, au milieu des icebergs, préparation pour les Championnats du Monde 2015 de kayak (surfski). Objectif pour Valentin : champion du monde !
- Un retour en France avant une deuxième traversée de l’Atlantique Nord
- Puis quelques pérégrinations en Amérique.
Notre aventure a plusieurs objectifs : sportifs, humains et écologiques. Le partage fera partie intégrante du voyage : tout au long du périple, nous serons rejoints par des amis alpinistes, kayakistes et parapentistes. Mais surtout par nos adoptés préférés : Bruno et Benjamin.
Ce voyage en voilier est un défi en lui même. La navigation dans les mers du Nord est un challenge à la hauteur de nos ambitions. Plongés dans le milieu du nautisme depuis notre plus jeune age, c’est un rêve qui va se réaliser !
Pour ce projet, nous avons créé l’association « un océan de sommets » qui a comme objectif de promouvoir et d’encourager les initiatives ambitieuses pour les jeunes, principalement dans des projets qui allient respect de l’environnement, aventure, exploration et transmission des expériences. »
Présentation des frères Hénot
Alexandre Hénot
Breton d’origine, la voie vers les sommets n’était pas toute tracée ! Mais, c’était sans compter sur les randonnées d’été et les récits d’un certain Walter Bonatti. Sans expérience et porté par l’inconscience de la jeunesse, il se lance de sommets en sommets. Porté par la passion, on le retrouve plus tard, alpiniste confirmé, débouchant pour la première fois au sommet du Mont Blanc, après avoir gravi « Divine Providence » en libre…
Valentin Hénot
Membre de l’équipe de France de kayak, Valentin est toujours de bonne humeur et paré pour de nouveaux défis. Migrant tous les hivers en Afrique du Sud, il s’entraîne avec les meilleurs mondiaux, dans les conditions météo extrêmes du Cap de Bonne Espérance. Il profitera de ce voyage pour se préparer aux championnats du Monde 2015. Quant à la montagne, il adore ce milieu où il a passé de nombreux étés et hivers à profiter de ses terrains de jeu.
Les adoptés du voyage
Benjamin Courant
Benjamin sera un des frères non biologique du voyage ! Présent sur la quasi-intégralité de l’expédition, il nous quittera quelques semaines pour passer le probatoire du guide de haute montagne. Passionné de sports extrêmes, son point fort est la polyvalence : escalade, alpinisme, speed-riding, parapente, windsurf. Ses compétences en photo et vidéo seront bien utiles à l’équipe.
Bruno Longuet
À 21 ans, cela fait maintenant 7 ans que Bruno est passionné des activités de montagne. Une passion mise à l’épeuve lors d’un accident de glace le 26 février 2013 à l’Aiguille Verte, dans le Massif du Mont-Blanc. Il y perd la majorité de ses doigts. Son amour pour la montagne est resté intact, et il a reprit depuis : le parapente, l’escalade et le ski. Des adaptations de piolets-traction sont en cours de construction pour lui permettre de reprendre la glace. Pour lui, ce voyage représente une grande étape, car ce sera la première fois qu’il repartira en montagne de manière prolongée. Le second adopté de la bande sera présent sur toute la partie « froide » du voyage, soit du départ en Bretagne jusqu’au Groenland.
Le voilier « Startijenn »
Acheté sur fonds propres, Startijenn sera plus qu’un simple voilier : véritable compagnon de voyage, il nous portera de destination en destination. Le bateau, originaire de Cherbourg, n’avait pas navigué depuis quelques années. Pendant un mois et demi, l’équipe l’a intégralement remis en état !
Longueur : 11,80 mètres
Largeur : 3,70 mètres
Tirant d’eau : 1,80 mètre
Sensibles aux problèmes du réchauffement climatique, nous voulons montrer qu’il est encore possible de voyager proprement, sans utiliser les moyens de transports modernes, très polluants.
1ère étape aux Lofoten en Norvège et la Face Ouest du Rulten !
Voici le récit d’Alex :
De la goulotte aux Lofoten, c’était bien la dernière chose à laquelle je pensais pendant mes randonnées à ski ! Seulement, en arrivant au sommet du Tappen, il fallu que mon regard soit attiré par une montagne magnifique, dévoilant une ligne évidente, entre les deux sommets principaux. C’en était déjà trop, il fallait qu’on y aille !
Trois jours plus tard, à cinq heures trente du matin, toute la fine équipe est sur le pont du bateau, parée à embarquer dans l’annexe pour atteindre la rive. Première mission de la journée : ne pas passer à l’eau avec tous les skis et le matériel d’alpinisme. Autant le dire : ça n’a pas été des plus simples ! Surtout quand le rafiot pneumatique embarque 1 litre d’eau à la minute et qu’il en perd autant en air…
Ce qui nous rassure un peu, c’est qu’on doit avoir les plus gros gilets de sauvetage de l’histoire de la Marine (nos sac ABS de 150 litres ne demandent qu’à être gonflés)!
Notre objectif : la face Ouest du Rulten débouchant à 1050 mètres. Je suis tout excité, c’est de l’alpinisme comme j’en ai toujours rêvé! Un accès par la mer, pas d’information sur la voie, un cadre magnifique et surtout de super compagnons de cordée.
C’est avec Benjamin et Bruno qu’on prend la direction du pied de la voie. Le premier espère décoller du sommet avec sa mini voile de 2,5 Kg (j’avoue que je le vois déjà descendre à pied jusqu’en bas !), alors qu’avec Bruno on a une valeur sûre : les skis (enfin c’est ce qu’on pensait…!).
Après une bonne approche de 600 mètres, on est au pied de la voie. Le couloir évident (vu d’en face) s’est transformé en un mur de glace à 80°. Ce n’est pas sans appréhension que je regarde mon baudrier avec mes six broches qui se battent en duel. Non, mais de toute façon c’est surement pas long…
Ayant gagné au fameux « chiffe ou mie », c’est moi qui commence la voie. C’est un mélange de glace et de neige compacte, des conditions de rêve comme on en voudrait tous les jours. Après une abstinence d’un an en glace, les sensations reviennent vite, et la petite appréhension du début laisse place aux sensations de pur plaisir.
Au bout de 50 mètres il me reste une unique broche salvatrice qui va me permettre de franchir les derniers mètres bien raides. Je la visse de quelques tours avant de me rendre compte qu’elle ne prend pas. C’est avec un petit sourire en coin que je me rappelle que c’est Raphaël (oui, oui, LE Raph !) qui me l’a donnée pour le trip. Parfois il y a des coups de piolets que se perdent !
Au milieu de la voie, Benjamin prend la tête de cordée pour arriver dans un des plus beaux endroits qu’il m’ait été donné de voir en montagne. Une arche suspendue plaquée de neige collée laissant passer une lumière filtrante de milles éclats à travers chaque trou et glaçon. Jugez plutôt :
Les deux dernières longueurs furent plutôt inattendues, une renfougne comme on les aime dans du mixte avec de la neige inconsistante digne du Cerro Torre en Patagonie. C’était tellement étroit que je pouvais rester suspendu sans les pieds ni les mains dans la cheminée, le genre de truc que j’adore !
Petit grattonnage sur du plaquage fin et des réglettes, il n’en fallait pas moins pour finir de me convaincre que les chaussures Sideral 2.0 de La Sportiva sont hallucinantes. Ultra-légères et précises, je suis mieux que dans mes Phantom Guide ! Autant le dire, les approches en raquettes, c’est terminé !
La dernière longueur nous dépose au col, puis direction le sommet de gauche. Ce qui est sûr c’est que la lumière de l’Arctique n’a rien d’une légende, c’est grandiose !
À peine arrivé, Benjamin s’active, la voile est dépliée, le vent est parfait, une rafale et le voilà volant vers le bateau !
Pour nous, ce sera une toute autre affaire : il y a déjà belle lurette qu’on a abandonné l’idée de redescendre par la Face Ouest. On se met d’accord par radio avec mon frère, qui est resté sur le bateau, pour qu’il vienne nous chercher de l’autre côté (plutôt pratique un voilier!).
Et c’est parti pour une de mes pire descentes : un couloir de 700 mètres qu’on descendra tout en marche arrière, avec des passages à 60°. Et pour les 300 derniers mètres, une neige abominable et non-skiable. C’est sur les rotules qu’on finira, après la traversée d’un marécage. Heureusement le bateau était là !
Bilan, une montée sensationnelle, une descente des plus éprouvantes, pour une journée comme on les aime. Il y a quand même l’idée du parapente qui commence à se frayer une petite place dans mon esprit (cette fois, c’est Benjamin qui va nous charrier…!).
La voie en elle même fait 400 mètres pour une cotation en TD-. Pour les amateurs de mixte il y a de nombreuses possibilités de voies dures dans toute la face. C’est pas l’envie qui nous manquait, mais notre objectif étant de découvrir un maximum de spots, il est grand temps pour nous d’aller explorer de nouveaux fjords!
À suivre : d’autres aventures d’Alex, de Valentin, de Benjamin, et de Bruno ! N’hésitez pas à consulter leur site web dédié à ce périple !
Waouw ça fait envie ! C’est beau …
Profitez-bien !!