Pour clôturer l’été en beauté, c’est sur le pilier central du Frêney que nous nous sommes élevés avec Enzo.
Superbe escalade ouverte en 1961, qui n’a pas pris une ride. Un caillou parfait, avec en prime un final de toute beauté. L’incroyable chandelle : pilier de granit bien dur débouchant à 4500 mètres d’altitude !!!
Une sortie parfaite pour atteindre le sommet du Mont Blanc.
Le pilier central du Frêney, course mythique et engagée, est connu suite à la tragédie de la première tentative d’ascension par une cordée Franco-Italienne de 7 alpinistes, menée par Walter Bonatti et Pierre Mazeau. Bloqués dans la tourmente pendant plusieurs jours à 120 mètres du sommet, ils tentent de descendre, mais quatre d’entre eux perdront la vie.
« …Il fait grand beau, mon esprit vagabonde de-ci de-là sans aucune préoccupation. Les rayons de soleil sur ma peau me donnent une agréable sensation de béatitude. Les yeux entrouverts, j’ai une vue parfaite sur la magnifique falaise de Ceûse. L’ombre arrive, il va être temps de mettre un run… » Soudain, une désagréable douleur interrompt violemment mon sommeil. J’ai la joue collée à une barre de fer et un grillage, étonnant ? Ha oui j’y suis ! Tout me revient : l’interminable montée au bivouac Eccles, la découverte de celui-ci bondé (enfin presque !). On a quand même pu récupérer une paillasse grillagée, avec une couverture en prime, puis le début de la nuit 5 étoiles à 2 sur le grillage…
C’est donc après une nuit des plus délicates, que nous entamons la montée à 4h00, direction le pilier central du Frêney.
Cette fois, c’est sûr, il n’y échappera pas. On est motivés à bloc et Enzo met un rythme d’enfer.
L’approche ne fait vraiment pas rire : en plus premier rappel, premier problème : une pierre tout droit sortie de l’obscurité vient flirter sur notre unique brin de corde, résultat : quelques mètres de perdus (parfait c’est pas comme si on était large en corde…).
Vient ensuite le premier choix stratégique : longer les piliers ou passer par le bas sous la grande crevasse.
Choix difficile dans cette obscurité qui nous entoure.
Finalement, nous choisissons de longer les piliers.
Itinéraire des plus impressionnants, où la moindre petite faute nous conduirait directement à Courmayeur, après une toute petite glissade de 3800 mètres…
6h00, le pied de la voie est atteint et il fait toujours nuit noire. On a pris un peu d’avance sur les horaires habituels car l’objectif est la dernière benne ! On est en grosses et on espère pouvoir les garder jusqu’à la Chandelle. L’horizon se dégage enfin, annonçant une excellente journée. Mais en attendent, le soleil se fait cruellement désirer.
On avance bien dans cet océan de granit. On découvre un itinéraire des plus logiques et particulièrement varié, alternant dalles, fissures et cheminées. Rien de mieux qu’une bonne adhérence ou d’un bon dülfer avec les grosses aux pieds. Surtout dans les sympathiques cheminées verglacées. Ces plaques, souvent invisibles m’ont donné quelques jolies petites frayeurs. Surtout dans une certaine cheminée : étrange sensation que de se retrouver bloqué et retenu par son sac entre deux plaques de verglas…
Soudain, le moment tant attendu arrive ! Nous voilà devant la magnifique Chandelle, dévoilant ses superbes lignes, véritable appel à la grimpe : on va enfin pouvoir mettre les chaussons !!!
La première longueur dure de la Chandelle est tip-top : une fissure à coincement de doigts parfaite, qui passe plutôt bien en libre. Elle nous dépose au pied d’un toit cheminée des plus impressionnants. Le libre c’est top, mais à 4500 mètres, ça reste à voir (surtout avec des sacs faisant office d’âne mort !). Autant le dire : ça artife sec dans cette longueur !
Au sommet du pilier, la vire ne fait vraiment pas rire, le crux c’est de remettre les chaussures, en évitant autant que possible, de leur faire faire un vol plané de 600 mètres.
Une petite arête mixte, suivie d’une traversée, et, cette fois, c’est sûr : on y est et il fait grand beau pour notre arrivée à 14h30 sur le toit de l’Europe. Quel contraste avec la dernière fois où j’y étais monté.
Cette fois c’est les vacances, un soleil radieux et un horizon magnifique à perte de vue.
Quelques minutes de bonheur et en avant toute pour la descente en compagnie de 2 potes croisés au sommet qui arrivaient du mythique pilier rouge du brouillard.
Par éthique et d’un commun accord avec Vincent, on décide de se faire les 3800 mètres de descente, à pied jusqu’aux Houches : c’est long, long, long…