Deux semaines après l’enchaînement du Pilier Sud de la Barre des Écrins, l’envie de « grandes courses » se faisait de nouveau ressentir… Nous jetons notre dévolu sur la face sud directe de la Meije, aussi appelée voie Pierre Allain.
D’ailleurs, une grande course, qu’est ce que c’est ? Pas forcément quelque chose d’extrême ! Il suffit juste que ce soit dans les Écrins, parce que c’est plus sauvage, que ça fasse une boucle, parce que c’est plus sympa, que l’on parte et que l’on rentre à la frontale, et si possible que l’on se prenne un orage vers la fin…
Tous les ingrédients étaient donc réunis dans cette face sud directe de la Meije. Cette voie ouverte par Pierre Allain regroupe 4 courses en une. La montée au refuge du promontoire par le glacier des Enfetchores est déjà une course en soit. Le lendemain, la voie fait 800m, puis on enchaîne avec la traversée des arêtes de la Meije, suivie de la descente du refuge de l’aigle, qui à elle seule vaut le détour…
Montée par le glacier des Enfetchores
Nous partons donc Sophie et moi le vendredi soir après le travail pour aller dormir au pied du téléphérique de la Grave. Le lendemain, le rutilant téléphérique de la grave, fraîchement rénové, met 45mn à nous monter à la gare intermédiaire dite du Peyrou d’Amont à 2400m. La montée par les Enfetchores, je la connais un peu pour y être allé avec Etienne il y a 3 ans lorsque nous avons fait la Chapoutot Dibona. Souvent considérée comme longue et paumatoire, nous la trouvons aujourd’hui agréable et ludique. Il faut dire que nous ne sommes pas pressés, et que le temps est radieux !
Il est 15h lorsque nous arrivons au refuge. Le même rituel s’instaure alors, nous y retrouvons Maxime Fiorani, un ami de Sophie et collègue guide, Tomas Meignan, avec qui nous avions fait le tour de la Meije à ski de randonnée il y a déjà quelques années, Léa, Martin… Une nouvelle occasion de nous rappeler à quel point les montagnes sont grandes mais le monde est petit ! La plupart vont faire la traversée des arêtes de la Meije, et deux cordées vont faire la Pierre Allain avec nous.
Premières longueurs et passage du « fauteuil »
Le lendemain, nous optons pour un réveil à 3h15 et un départ à 4h. Par cette nuit sans lune, partir plus tôt reviendrai à attendre le début du jour pour trouver l’attaque de la voie. Nos frontales Swift de Petzl sont ultra puissantes, mais quand même… Nous arrivons à l’attaque de la voie juste avant le lever du jour, le temps de faire les premières longueurs et nous voyons le soleil se lever alors que nous prenons pied sur le « fauteuil », vire située dans la face sud.
Au fur et à mesure de notre ascension, la paroi se raidit pour devenir presque verticale, voire déversante par endroit. L’ambiance est bien plus vertigineuse que dans la Chapoutot-Dibona, pourtant voisine d’une centaine de mètres. Pourtant, nous grimpons dans le 5a max ! Au départ de la voie, les pitons se font rares. A peine quelques points de temps à autre pour indiquer le chemin, mais plus nous montons et plus les pitons se font fréquents, surtout dans les parties en dalle et les ressauts raides. Il est clair que cette voie est plus parcourue que ces voisines !
Direction le Grand Pic
Nous arrivons aux vires du glacier carré un peu avant midi. Les deux tiers de la voie sont déjà parcourus ! La suite est censée être un peu plus dure, mais nous ne voyons pas vraiment de différence de cotation, le ressenti est presque inversé. La grimpe des dernières longueurs est plaisante sur du bon rocher. Peu avant le sommet, les difficultés étant derrière nous, nous remettons les chaussures d’alpi pour filer au sommet du Grand Pic.
Il est 14h30. Ça y est, nous sommes en haut, mais la route du retour est encore longue ! Face à nous, la Barre des Écrins, ou nous étions sortis il y à deux semaines à peu près à la même heure… On se demande déjà où sera la prochaine…
J’ai bien hâte de faire cette traversée d’arête dont j’avais eu un avant goût lors de la Chapoutot-Dibona. Mais là, nous sortons au sommet du Grand Pic, pas de la troisième dent ! Nous allons donc faire la traversée complète !
Les arêtes de la Meije
L’ambiance en haut change du tout au tout… Des mains courantes, des relais chaînés, les rochers lacérés par les coups de crampons… Pas besoin de se demander par ou ça passe ! Mais quelle beauté ! Décidément, la traversée de la Meije est une course fantastique !
Nous arrivons au refuge de l’aigle vers 19h30. Il nous reste encore 3h de descente, puis une demie heure de marche pour rejoindre Villard d’Arène, puis à faire du stop pour retrouver la voiture à la Grave. La journée n’est pas finie bien que cela fasse déjà 14h que nous sommes partis !
Épilogue d’une grande course
Pendant la descente, le temps se gâte, le ciel menace, bientôt les éclairs commencent à fuser et le tonnerre gronde et roule d’une vallée à l’autre. Le vent se lève, les premières gouttes, puis la grêle commencent à tomber. Enfin le déluge tant attendu pour conclure cette journée « bartasse » arrive ! En 3mn nous sommes trempés ! Nous commençons à courir, revigorés par cette pluie dense et froide. Nous arrivons au pont des Brebis à 21h30. L’orage est passé. La nuit, elle, arrive seulement… Le temps d’arriver à Villard d’Arène, la pluie a repris de plus belle. Et nous voilà au bord de la route, à faire du stop, en pleine nuit, sous une pluie battante, espérant juste rentrer à temps pour faire une sieste avant de reprendre le travail lundi. C’est aussi ça les aléas de la montagne !
Voilà ce que c’est pour nous une « grande course » ! Le plaisir de passer du temps en montagne, comme dans cette superbe face sud directe de la Meije !
Merci pour votre lecture,
Niels