Arrivé sur le long plat des Etançons en direction de la Bérarde, devant moi, la face nord-ouest du dôme des Ecrins.
C’est une face imposante et complexe : 1000 m, faite de tours et d’éperons, de couloirs et de névés suspendus.
Derrière moi se dresse une paroi non moins massive, mais qui contraste quelque peu de part sa compacité.
Seule faiblesse à cette muraille, une très caractéristique encoche carrée dans sa partie occidentale.
Que de magnifiques montagnes qui m’entourent !
Si seulement il faisait jour ;-)
J’attaque donc ma 22ème heure d’effort, ou seules les nuances de noir viennent agrémenter le paysage, qui défile (lentement) sous mes pas titubants, las. En y repensant, il faut bien avouer que la reine Meije ne s’est pas laissée conquérir si facilement.
La veille, nous sommes partis, Symond et moi, courtiser la belle. Ambitieux et fougueux, tels de jeunes loups, nous visons la plus belle : une voie logique et directe, une voie austère et de caractère, la 100ème de Gaston Rébuffat : la Face Nord Directe de la Meije.
La parade nuptiale commença par une longue marche d’approche, chargés d’un attirail fort pesant : avec une consommation moyenne de 800 kcal toutes les 45 minutes, il faut prendre de quoi nourrir Symond. Environ 3200 Kcal plus tard, nous voici arrivés au refuge du promontoire où nous attend une courte nuit.
C’est encore la nuit lorsque commencent nos errances sur le glacier de la Meije. Du genre ouvert et labyrinthique, celui-ci ne se laisse pas traverser facilement. Crevasses et séracs font la loi, imposent le chemin et choisissent le rythme. Le bras de fer commence. Un bon regel, un encordement très long et un peu d’audace nous permettent de gagner du terrain.
Enfin, la rimaye du Z est devant nous, notre voie commence là. 800m au-dessus, le sommet.
De notre sombre point de vue, la face semble vraiment monolithique et dépourvue de faiblesses.
On temporise jusqu’au lever du jour : faudrait quand même pas se paumer dès la rimaye :-)
Les 200 premiers mètres (goulotte et mixte facile) sont vite grimpés. Après, c’est du rocher un peu plus raide.
Rien d’extrême : du 5, 5+, mais c’est soutenu.
Certaines dalles, trop glacées pour enlever les crampons mais pas assez pour utiliser les piolets demandent tout de même un peu d’attention.
Le caillou est bon, le cheminement logique et esthétique, le sol s’éloigne, l’ambiance s’installe, on kiffe…
9h30 d’escalade pour en venir à bout !!!
Il est 17h et nous sommes au sommet du grand pic de la Meije.
Nous profitons de la vue et de quelques rayons de soleil pour souffler un peu.
La suite ? Une bonne descente à base de recherche de relais, de coincements de corde et de bouche bien pâteuse.
Bref une bartasse !
La balade du pèlerin pénitent, le goulag des temps modernes :-)
23h. Il est là devant nous ! Éclairé et accueillant : le refuge, le repos !
Mais non, trop facile, on ne s’arrête pas ! En avant…
Toujours plus loin dans l’exploration des territoires de la souffrance, en avant !
2h00. Plat des étançons, devant moi, la face nord-ouest du dôme des écrins, mais ça je l’ai déjà dit et puis il fait toujours aussi nuit. A ce rythme il ne reste plus que 20-30 minutes pour arriver à la voiture…
La course en quelques chiffres :
Face Nord Directe : 800m TD+ (entre 3200 et 3983m)
Grade V+ / Glace 60°
Temps dans la face : 6 à 12h dans la face selon conditions !!!
S’ajoute l’approche + l’interminable descente…
Altitude de La Bérarde : 1700m
Altitude du refuge du Promontoire : 3092m (1 ou 2 nuits à prévoir)
Altitude du sommet de la Meije : 3983m
Waouh ca fait rêver !
Merci pour ce sympathique partage et bravo à vous pour cette belle course!
Une question: le glacier que vous mentionnez comme étant le glacier de l’Homme n’est-il pas plutôt le glacier de la Meije?
Bonjour
En effet je me suis trompé, il s’agit bien du glacier de la Meije. Merci pour la remarque.
Bravo,
c’est un morceau!!
Ce genre de course vient nous chercher, creuser au fond de nous même pour trouver des ressources inattendues!
Chapeau.
ps: « le goulag des temps modernes » est parfaitement juste…