Lever de soleil sur le premier col de la course

Le mental en trail-running: comment surmonter un « passage à vide » ?

Au cours d’une course de trail-running, il arrive presque toujours un moment où plus rien ne fonctionne comme on le voudrait. Le corps n’avance plus, notre esprit subit une vague de découragement, les kilomètres ne défilent plus, le temps se fait long. Ces moments là tant redoutés par les traileurs et ont été baptisés « moments de faiblesse »ou « passage à vide ». J’ai récemment participé à une course de 65 kilomètres dans les hautes montagnes du Queyras et j’ai connu deux passages à vide durant mon parcours. Mais alors comment ai-je réussi à surmonter ces moments difficiles ? Tout est une histoire de mental :) Voici quelques techniques sur le mental en trail-running.

1. Identifier un « passage à vide »

Comment identifier un « passage à vide » ? Il peut se manifester sous plusieurs formes et il convient de bien savoir en repérer les symptômes pour pallier au mieux ce passage à vide.

  • Difficultés à ventiler correctement
  • Sensation de fatigue musculaire et mentale
  • Vision trouble et/ou maux de tête
  • Sentiment d’impuissance et de découragement

Cela peut être dû à une négligence au niveau de l’hydratation, d’un manque de ravitaillement, d’une préparation pas assez poussée, d’une maladie ou une mauvaise période à cause de soucis personnels par exemple.

@Olivier Heimana

2. Comment le gérer ?

Mais alors comment surmonter ce passage à vide dans notre effort ? L’arrivée nous semble encore loin et on a du mal à imaginer pouvoir la franchir. Pas de panique ! Voici quelques astuces pour surmonter ce moment de faiblesse.

  • Continuez à vous alimenter et vous hydrater suffisamment. Ce n’est qu’un mauvais moment, votre corps va savoir se ressaisir si vous lui donner le bon carburant pour qu’il puisse continuer à fonctionner même au minimum de ses capacités;
  • « Un pied devant l’autre ». Une simple citation que vous pouvez vous dire dans votre tête. Avec cette phrase (ou une autre) qui tourne en boucle, vous allez mettre en place une mécanique de progression et ainsi vous continuerez d’avancer et donc de vous rapprocher de la ligne d’arrivée !
  • Fixez vous des objectifs à court terme. Visez le prochain col, le prochain ravitaillement, les prochains 5 kilomètres… En segmentant la course, vous aurez la sensation de « réussir » vos objectifs et votre moral s’en verra ravit ! Dans un passage à vide, ne pensez pas à la ligne d’arrivée et rêvez du prochain ravitaillement, ça semblera plus proche.
  • Prenez le temps de vous ravitailler. Ne brusquez pas un arrêt au ravitaillement, vous aurez besoin de ce moment pour souffler ! Prenez le temps de vous alimenter avec des choses qui vous font plaisir et pour refaire le plein pour la prochaine section.
  • Parlez en à vos proches. Si ça ne va pas, ils sauront quoi vous dire pour vous faire sourire.
  • Écoutez de la musique. Cela aura pour effet de dévier un peu l’attention de votre cerveau sur vos sensations et pourra vous motiver pour la suite !
  • Acceptez la situation. Un moment de faiblesse laisse parfois place à de superbes sensations ! Acceptez de vivre ce coup de moins bien et gardez en tête que ce n’est que passager.

2. Récit de course : Mes premiers pas en trail longue distance

1. Le départ

Le 6 juillet dernier, je participais au Grand Raid Guillestrois, dans le Queyras. Aligné sur la distance du 66km, j’avais pour ambition de prendre un maximum d’expérience et de mettre un premier pied dans le trail longue distance. Avec près de 4200 mètres de dénivelé positif et 5200 de négatif, le parcours était costaud et promettait une belle bataille pour la victoire.

Je ne n’avais pas pu trop courir lors de ma préparation à cause d’un genou blessé mais j’étais déterminé à faire cette course que j’avais en tête depuis le printemps. C’est avec l’esprit guerrier que j’ai pris le départ à 7h pétantes de la commune de Saint Véran. Ma petite soeur était là pour m’assister aux ravitaillements et je ne pouvais rêver mieux que de vivre cette aventure en famille. Après un départ prudent, le soleil est apparu en haut du premier col. J’avais la volonté de partir très tranquillement et de ne pas me préoccuper de la tête de course. Chose faite mais j’étais tout de même en bonne position puisque j’apercevais au loin le premier coureur, environ 6-7min devant un groupe de 4-5 coureurs dans lequel je figurais.

J’arrive en haut du premier col @Olivier Heimana

Je me sentais super bien et je n’avais aucune douleur. Le rythme était très lent et je trépignais d’impatience à l’idée de pouvoir lâcher les chevaux au kilomètre 30 comme je le prévoyais. Arrivé au sommet du premier col, je me place en tête du groupe de poursuivants pour pouvoir descendre sans contraintes, les 1000m de dénivelé négatif pour rejoindre le premier ravitaillement à Ceillac. C’était vraiment un cadre idyllique au sommet et j’ai commencé à dérouler sans forcer dans les premières pentes. Nous étions à 2800 mètres d’altitude et je me sentais comme un poisson dans l’eau. L’altitude moyenne de la course étant de 2100 mètres, il fallait être un minimum habitué ! Avec la musique dans les oreilles, j’ai profité de cette magnifique portion en prenant garde de ne pas descendre trop fort pour épargner le plus possible mes quadriceps. Arrivé en bas, je découvre que le premier coureur est 20 mètres devant moi et je n’aperçois plus personne en me retournant derrière. Psychologiquement, je suis heureux. Un sourire m’accompagne sur la fin de la descente car je comprends que je descends mieux que mes adversaires, sans forcer mon talent. Mais n’ai-je pas payé mon manque d’expérience en ne me laisser aller sur cette première partie ?

2. Le passage à vide au kilomètre 20

Après un ravitaillement rapide et efficace de ma petite soeur, je repars en tête de Ceillac avec plus de 2 minutes d’avance sur le second coureur. Direction la deuxième bosse du parcours, 1200 mètres irréguliers. Au moment d’attaquer la montée, le second coureur revient sur moi après avoir fait un gros effort sur le plat. Je le sais meilleur grimpeur donc je le laisse passer et mettre son rythme sans essayer de le suivre. Mais je sens mon corps pris d’une fatigue venue d’ailleurs et je commence à être essouflé sans fournir un effort intense. Je mange un gel et je continue ma progression en espérant que ça ne dure que quelques minutes.

Un autre coureur commence à revenir sur moi, puis un deuxième. Je commence à avoir chaud, malgré le fait que nous sommes en altitude et que je continue de m’hydrater régulièrement. Je sais que je suis en train de traverser un gros passage à vide mais je me demande combien de temps ce dernier va durer. Je me concentre à faire un pas après l’autre, sans trop lever la tête pour ne pas me décourager. Je fixe mon attention sur le prochain col, que je n’aperçois pas encore malheureusement. Sur une partie un peu plus roulante, je tente de me relancer mais rien n’y fait, je me sens lourd et sans force. Pourtant, je maintiens un taux de sucre dans le sang qui est censé me permettre de fournir un effort soutenu. Je prends mon mal en patience et je me force à manger quelques bonbons du paquet que j’avais emporté sur cette partie de la course. Ça change des gels et je sais que ça me fait du bien à la tête. Je me dis que dans tout les cas, j’avance et que je verrais bien ce que ça donne d’ici le prochain ravitaillement.

Les dernières pentes raides du col Girardin @Olivier Heimana

La résurrection et l’état de « flow »

Le col est en vu et un gros orage fait son apparition. Je commence à rattraper des coureurs d’une autre course, partis un peu plus tôt dans la journée. Alors que je tente de doubler un groupe de personne sur un névé proche du sommet, l’orage éclate. Et à 2800 mètres, ça ne rigole pas ! Une pluie très forte se met à tomber et de fortes bourrasques de vent viennent coller nos vêtements trempés sur notre peau. La température descend et il ne doit pas faire plus de 5 degrés au sommet. Tout le monde s’arrête mettre son K-Way pour tenter de s’abriter un peu de la pluie battante. Moi, je me sens revivre ! J’adore les conditions chaotiques et le sourire me revient ! Pas besoin de mettre de veste, j’enlève mes lunettes et je range mes écouteurs tandis que je franchis le col au milieu des autres coureurs paniqués. Le début de la descente est très technique et cela crée des bouchons. Confiant en mes capacités techniques, je commence à doubler du monde mais le rythme est encore trop lent. Je sors de la « trace » (pas vraiment de chemin sur le haut du col), et coupe à travers le pierrier pour rejoindre le bas directement.

Après le moment de faiblesse, vient le moment de « flow » ! Je vole littéralement sur les rochers. Mes appuis sont précis et je vais vite ! Tout prend la forme d’un jeu simple alors que nous sommes en pleine tempête ! En quelques minutes à ce rythme, je reviens sur le dernier coureur à m’avoir doublé dans la montée. Je le laisse faire le rythme sur quelques kilomètres plus roulants puis nous arrivons au ravitaillement 2, où je retrouve ma petite soeur. La pluie s’est stoppée et mon moral va mieux. Mon corps ne répond pas exactement comme je le voudrais en montée mais je l’ai accepté et comme je n’ai pas le choix que de composer avec pour avancer, je prends sur moi et j’adapte ma stratégie ! Je repars du ravitaillement pour la section la plus longue et difficile. Après 7km de plat, j’entame une montée interminable mais j’arrive à trouver un adversaire qui à le même rythme que moi et je le suis jusqu’au col. En haut, même schéma ! Je prends le large dès le début de la descente et je crée un écart conséquent avant le ravitaillement du kilomètre 51.

Le mauvais temps est toujours présent mais la pluie a cessé @Olivier Heimana

Le final avec un deuxième passage à vide

Là, je prends mon temps. Il me reste une dernière section avec une grosse montée et une très longue descente vers l’arrivée donc pas besoin de se presser. La tête de course est environ 10 minutes devant moi donc à moins d’une très grosse fin de course, je ne la reverrai pas. J’entame la montée déterminé et je monte le volume de la musique dans mes oreilles. Cette section là passe très vite et je me sens super bien ! Le dernier sommet est plongé dans le brouillard, et j’entame enfin la dernière descente. J’essaye de dérouler ma foulée comme j’en ai l’habitude mais au bout de quelques centaines de mètres, mes deux mollets se raidissent d’un coup et je suis contraint de m’arrêter. Voilà les crampes ! Je n’en ai jamais eu de ma vie, et même si j’ai bien géré l’hydratation tout au long de la course, je pense que le faible volume de course à pied durant la préparation se fait enfin ressentir.

La dernière ligne de crête avant la descente, avec le brouillard qui s’est un peu dissipé @Olivier Heimana

J’adapte alors ma foulée pour continuer de descendre, en laissant mes quadriceps fatigués amortir tout le poids de mon corps à chaque pas. Je ne peux plus assouplir ni mettre de la fréquence dans ma foulée. La descente promet d’être longue et mon esprit déjà usé par la course cherche utilise le dernier soupçon de résilience qu’il me reste. À quelques kilomètres de l’arrivée, un concurrent me dépasse et je suis de nouveau seul avec mes crampes. C’est long, et ça fait mal ! Je dois faire face à la frustration de ne pas avoir eu l’occasion de donner tout ce que j’avais sur cette dernière descente et ainsi de terminer en apothéose la course. Malgré toutes ces pensées sombres, j’avance tant bien que mal et j’entends désormais le speaker qui anime l’arrivée. Je franchis la ligne en 6ème position, avec presque 20 minutes de perdues dans la dernière descente. Mais l’essentiel est ailleurs !

J’ai appris beaucoup de choses et j’ai pris un plaisir monstrueux malgré les deux moments de faiblesse qui me coûte une meilleure performance. Mais je sais maintenant comment mieux les gérer et j’ai déjà hâte de pouvoir remettre un dossard.


Merci de votre lecture,

Hugo

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Retour en haut