Le 15 novembre 2024, profitant d’excellentes conditions météo, Niels Cochard et son ami Tom se sont lancés sur l’ascension de la face Nord de l’Aiguille des Pélerins, nommée « Beyond Good and Evil ». Pour Niels, ce fut une belle façon de débuter son hiver, sur cette voie d’alpinisme mythique. Une course de plus de cochée ! Il nous raconte son ascension, agrémentée de superbes photos.
« Beyond Good & Evil » : face Nord de l’Aiguille des Pélerins
Située en plein coeur du massif du Mont-Blanc, l’Aiguille des Pélerins a vu sa face Nord ouverte pour la première fois en 1992 par Andy Parkin et Mark Twight.
L’approche depuis le refuge du Plan demande environ 2 heures. On peut rejoindre l’attaque soit par les dalles du Peigne et le glacier de Blaitière en rive droite ou soit en passant sous le lac Bleu et la moraine rive gauche.
L’ascension alterne longueurs en mixte, fissures et passages raides en glace. Les premières longueurs offrent du mixte technique avec peu de protections, suivi d’un dièdre raide et d’une goulotte délicate. La sortie se fait soit par la voie « Beyond », avec un passage en artif dans un dièdre, soit par la « Rébuffat-Terray », qui propose une traversée délicate et des ressauts mixtes exposés.

Orientation | Nord |
Type de roche | Granit |
Configuration | Goulotte |
Cotations | ED- III P2 5 M5 |
Altitude max | 3318m |
Dénivelé positif | 600m |
Pente max | 85% |
L’ascension de « Beyond Good & Evil » par Niels Cochard
Novembre 2024, de retour d’un trip de grimpe de trois semaines entre Orpierre, le Tarn et Majorque, il est temps de se remettre dans le froid pour préparer la saison d’hiver. Terminé les tee-shirts et les maillots de bain, on affûte les lames des piolets et on trouve un beau projet pour bien commencer la saison. Je donne un rapide coup d’œil sur les retour des conditions en montagne et je vois tout de suite que tout est bon pour faire de la goulotte. Ni une ni deux, j’appelle mon copain Tom (celui avec qui j’ai partagé l’ascension du couloir Lagarde et beaucoup de beaux moments en montagne) pour lui proposer d’aller dans Beyond.

Mais qu’est ce que le Beyond ? C’est une goulotte qui me fait rêver depuis des années, depuis sa parution dans un magazine de montagne de Jean Christophe Lafaille, en combi fluo dedans. On devait être dans les années 2000-2005, le grand style à l’époque ! C’est une goulotte dure, ouverte en 1992, que le topo Damilano décrit comme : “Quatorze longueurs en mixte sévère, dans une face austère et froide. Escalade engagée avec des protections minimales”
En bref, c’est déjà un beau projet pour un retour de vacances au bord de la mer ! Il va falloir s’employer, voir comment l’on réagit au froid, au vide, et retrouver vite les sensations avec les crampons et les piolets. Mais les retours décrivent des conditions exceptionnelles, tout en neige “couic” et j’ai toute confiance en Tom qui a déjà bien « bourlingué » en montagne les semaines dernières. Dernier problème, il y a apparemment 5 à 7 cordées par jour dans la ligne. Il m’est inimaginable de grimper avec 10 personnes au-dessus de moi alors je dis à Tom que l’on verra bien et que l’on doit se préparer à se prendre un “but refuge”. Nous prenons donc la décision de monter pour voir. Lorsque nous arrivons au refuge, il est 15h, deux heures avant la nuit, et il n’y a personne. Un peu plus tard, deux jeunes grimpeurs nous rejoignent, ils vont dans Beyond également. À la nuit tombée, deux autres alpinistes nous rejoignent, ils vont dans le Eugster Direct à l’Aiguille du midi. Bref, personne. Hier, le refuge non gardé du plan de l’Aiguille débordait (16 personnes pour 14 couchages) aujourd’hui nous sommes 6 dont 2 qui vont dans un autre secteur !


Il est 4h du matin, Le temps est clair. Nous partons confiant. Les deux jeunes nous laissent la primeur de prendre les devants alors il n’y aura personne devant nous. Il ne fait pas si froid, tous les voyants sont au vert ! Nous arrivons au pied de l’attaque alors qu’il fait encore nuit. Avec Tom, nous nous sommes répartis les longueurs pour que j’aille en tête dans le dièdre qui représente le crux de la voie en L4 à ma demande. C’est donc lui qui commence à grimper. Cela me va bien car la dernière fois que je suis allé dans une grande course, c’était l’été dernier et l’histoire s’est terminée en héliportage avec une jambe cassé puis une journée à passer des scans dans un hôpital italien…
Tom grimpe super bien ! Lorsque je le rejoins au relai, il commence à faire jour. Des pentes de neige s’enchaînent jusqu’au dièdre caractéristique mais nous avons sauté des longueurs et c’est à Tom de passer devant. Tant pis pour moi ! Le reste de la voie offre tout de même de belles difficultés. Tom a vraiment muté en mixte et il enchaîne les longueurs avec une grande élégance et une belle facilité. La longueur suivante reste néamoins raide et improtégeable : 4 ou 5 points en 40m. Heureusement, elle est en neige dure et donc facile à grimper.


Plus on s’élève et plus la face se redresse. Comme prévu, les conditions sont superbes ! Les passages en mixte sont remplis de neige dure, et même si les protections ne sont pas abondantes, on grimpe aisément et rapidement. Nous arrivons vers la 10ème longueur. Ici habituellement, on évite un dièdre en bifurquant dans la goulotte d’à côté, la Rebuffat-Terray. Avec les conditions exceptionnelles du jour, nous prenons rapidement la décision de grimper ce dièdre en A2. Cela me donnera l’occasion de tout de même grimper en tête dans un dièdre ! Une longueur de corde plus haut, Tom atteint en premier le sommet aux alentours de 14h30. Lorsque je le rejoins, il est tout sourire, au soleil. Peu après, la cordée des deux jeunes nous y rejoint. Ils nous remercient bien d’avoir fait la trace, trouvé les relais et de les avoir aiguillés tout le long de la montée.
Pour parfaire la journée, nous décidons de ne pas prendre la descente habituelle en face Nord, dans la goulotte Rébuffat Terray, mais plutôt de descendre en face Sud dans le couloir des Pèlerins. Un peu pour la liste de Tom mais aussi pour la satisfaction d’avoir fait un tour plutôt qu’un aller-retour (et aussi pour profiter du soleil de la face Sud ;))


La descente du couloir est particulièrement fastidieuse. Elle n’est pas assez raide pour lancer les cordes alors il faut les enkiter à chaque fois. Des pierres tombent dans tous les sens sous le soleil de plomb mais le plus dur est fait ! Après une dizaine de rappels, nous voici sur le glacier des Pèlerins. Nous retournons au refuge et nous constatons qu’il s’est totalement rempli ! Des gens font même demi-tour juste après être arrivés. Nous avons eu une chance extraordinaire d’avoir été seuls au monde ou presque dans cette voie mythique !
Merci beaucoup à Niels pour le récit de cette jolie course sur le massif du Mont-Blanc, et à Tom pour ses photos et vidéos ! Vous pouvez les suivre sur Instagram où ils partagent des clichés de montagne pris pendant leurs courses : https://www.instagram.com/niels.cochard_a.guide/ / https://www.instagram.com/tom_ciamos/
Montania Sport, spécialiste Montagne depuis 20 ans

Spécialiste Escalade/Alpinisme depuis 20 ans, Montania Sport propose un large choix de matériel, vêtements et accessoires pour vivre pleinement votre passion de la montagne. Une équipe de passionnés vous accompagne avec des conseils d’experts adaptés à vos besoins et à votre niveau.
➡️ Vous pouvez consulter ici notre espace Escalade/Alpinisme (piolets, broches à glace, crampons, camalots, etc…) : https://www.montania-sport.com/7090-espace-escalade-alpinisme
Merci de votre lecture et à très vite en montagne !
Hugo