Notre ambassadeur Raph est parti avec Rémi en face Nord du Chardonnet, dans le Massif du Mont Blanc. Une jolie voie en mixte moderne les attendait : la Debruyne Manu (TD, III, 5a, 4+, M6). Voici leur récit.

Le récit de la Debruyne Manu
Ce qu’il y a de bien avec l’alpinisme, c’est cette tranche d’aventure, plus ou moins épaisse, que l’on va forcément se payer. L’aspect intéressant réside dans le fait qu’aventure est synonyme d’imprévus, de surprises, et d’étonnement. Eh bien ce jour là, je me suis enfilé un bon steak ! Attention, amoureux du bon sens s’abstenir ! :-)

Tout avait pourtant bien commencé : nous avions un projet fumant, les conditions et la pure motivation étaient bien là. C’est au moment de faire les sacs que ça a commencé à se gâter.
Je remets dans le contexte : il est 21h, nous sommes au parking du Tour et demain, nous partons faire la Debruyne Manu en face nord du Chardonnet. 2500m de dénivelé nous attendent, dont 500 mètres de mixte (TD, III, 5a, 4+, M6). Sûr, avec ma caisse de poisson pané, ça va bien se passer !
Dépité, je découvre que j’ai oublié ma polaire, ma veste Gore-Tex , ainsi que mon casque, sinon c’est pas drôle. Commentaire de Rémi : « c’est marrant qu’un mec aussi inapte dans la vie réelle soit aussi fiable sur une paroi » ! Merci Rémi. Heureusement, tout problème a une solution. La Gore est remplacée par une veste softshell MILLET XXXL , la doudoune par un pull « la passion du mouton », et le casque par un bricolage popote + cordelette + éponge (pour le confort). Voilà, le problème est réglé, c’est donc serein que nous nous endormons pour une courte nuit.

La montée au Refuge Albert 1er est forte agréable, la température est idéale et nous avons la sensation d’avancer vite. Vers 4 heures du matin, nous sommes au refuge. La trentaines de cordées qui labourent le glacier du Tour nous donne un début d’explication sur le pourquoi de la rénovation de l’Albert 1er. La bonne nouvelle dans tout ça, c’est que j’ai trouvé un casque (bon, ça reste un vieux casque de ski trois fois trop grand, mais c’est mieux que rien). Allez, assez parlé, c’est pas tout, mais on a encore 3 heures d’approche.

Finalement nous avons la chance d’être seuls dans notre goulotte (juste une cordée qui fait une voie parallèle). Les premières longueurs, plutôt faciles et en bonnes conditions, nous font rapidement prendre de la hauteur.


Soudainement, les sympathiques goulottes font place a un grand mur granitique. Tout droit, une dalle raide qui annonce au moins 4 à 5 mètres sans protection avant la fissure salvatrice. Chouette ! À droite, une traversée pas facile sur plaquage, puis un dièdre déversant verrouillé par un toit. Entre les deux, mon cœur balance.
Allez, je me lance dans la dalle. Grosse erreur, la fissure est bouchée, hors de question d’engager 4 mètres de plus dans cette difficulté (les adhérences en crampons ça va bien un temps). Je désescalade (moment de pur plaisir), je fais redescendre le palpitant, puis me lance dans l’option de droite. Tous comptes faits, c’est une superbe longueur qui se protège assez bien, la traction à un bras peut aider (sic).

Le haut de la voie, plus fourni en glace, nous proposera de belles envolées. Pas aussi difficiles, mais demandant des quadriceps de taureau à la place des mollets : la glace est dure et vierge de tout passage. J’accueille avec soulagement les pentes de neiges sommitales. Mine de rien, les 2500m de dénivelé ont quelques peu amputé mes capacités physiques. Rémi lui, avec sa caisse de pur-sang dopé, s’en moque. Je le suspecte même de faire des flexions au relais pour passer le temps…

Puis vient le moment du sommet, c’était comment dire………bien ! Le retour du soleil, la vue sur une mer de nuages à 360°, personne, Hakuna Matata quoi.

Puis vient le moment de la descente, c’était comment dire……… long ! Mais bon, comme le dit si bien Yann Picq : « L’ascension d’un sommet peut être source de récit épique. La descente, elle, est souvent un moment pénible, voire honteux, enfoui secrètement dans la mémoire de l’alpiniste ».
En parfait accord avec cette idée, je préfère parler du bon gros hamburger de fin de course ! C’était vers 21h, il était massif à souhait, gras au possible, pas du genre à se laisser faire quoi. Mais il nous en faut plus pour nous impressionner, on n’en a fait qu’une bouchée.

Topo de la voie Debruyne Manu au Chardonnet
Voir le topo complet sur Camp To Camp.
« Toutes les longueurs sont soutenues et méritent d’attendre d’être en conditions optimales si l’on veut les parcourir sans trop augmenter les difficultés. Engagement « limité », il est facile de se réchapper par une voie moins dure ou de tirer des rappels (nombreux becquets). Très peu (voire pas) d’équipement en place. »
Altitude min / max : 2702m / 3824m
Dénivelé : +1122m
Dénivelé des difficultés : 500m
Configuration : goulotte
Orientation principale : NW
Type d’itinéraire : boucle / retour au pied de la voie ou au refuge
Temps de parcours : 1 jour
Pente : 90°
Cotation globale : TD
Engagement : III
Qualité de l’équipement en place : P4
Cotation libre : 5a
Cotation glace : 4+
Cotation mixte : M6

Génial! Je kiff, kiff et surkiff!!! Merci Rafou , c’est drole, beau, et émouvant ( surtout ta nouvelle passion pour les moutons).