Le 4 septembre dernier, Julien Irilli a réalisé un très beau solo express en face nord du Cervin. Nous avions envie de partager ce très beau moment d’alpinisme comme on les aime !
Voici le récit et les photos de Julien :
« Je ne suis souvent pas fier d’être un humain. Des journées comme celle que j’ai vécu là-haut sur ce Sphinx me réconcilient avec ma nature profonde. Pourquoi me direz vous ? C’est très simple : la capacité que l’on a, parfois, à surmonter ses doutes, ses peurs, ce mental qui nous joue des tours. C’est grâce à cette force intérieure, profondément humaine je crois, que l’on avance, pas coûte que coûte, mais simplement parce qu’on sent que l’on est à notre juste place dans ces moments-là. Il est certaines choses que l’on doit faire, juste pour soi. Gravir cette face, seul, sans infos sur les conditions, ni traces, et pour seul topo une photo, faisait partie de ces choses. L’immense beauté de cette icône de montagne en chocolat justifie tout.
En sortant du train pour Zermatt ce matin-là, mes yeux et mon attention sont focalisés sur cette étrangeté de la nature. Je n’ai jamais vu si pure et si puissante montagne, il en est d’innombrables sur cette planète mais celle-ci est singulière. À la fois si proche des hommes et pourtant si défendue. On sent en s’approchant d’elle qu’il faut demander la permission.
9h : sommet des remontées mécaniques de Schwarzsee, 2600m.
10h : Hornlihutte. Pause miam, enfilage de caleçon spécial face nord et divers ustensiles métalliques.
10h30 : grimpette sur le glacier suspendu sous la face nord, bien merdique le-dit glacier…
11h30 : gros doute au moment du passage de la double rimaye, et ce malgré mon brillant crawl, j’ai bien peur de m’y mettre…ok pas pour cette fois le grand plongeon, c’est parti pour une petite aventure teintée d’interrogations… passera, passera pas ? C’est blanc mais suffisamment fourni ? L autre challenge sera de ne pas se perdre dans cette immense amphithéâtre.
Quand j’y repense, je n’ai cessé de me dire « imagine, tu es un des frères Schmidt, avec ce que cela sous-entend, 1931, la venue depuis l’Allemagne en vélo, le matos de l’époque, où passerais-tu ? En fait je n’y serai pas allé ! Mais où passerais-tu quand même ? Bah, sur cette rampe neige/glace parfois inconsistante, c’est évident voyons ! Vache ! C’est mort raide par endroits ! Le rocher m’avait prévenu plus bas, ne compte pas dessus.
Donc secondes après secondes, pas après pas, « be aware » dixit JCVD. Droite, gauche, après c’est bon, mais non, je suis perdu. Je pensais pourtant avoir suivi à la lettre les conseils de la photo, je ne comprends pas ! Comme prévu, me voici en équilibre sur des pseudo- dalles pourries agrémentées d’un zeste de citron glacé en guise de traversée à droite… Si je ne trouve rien là bas, je vais devoir puiser en moi pour la refaire à l’envers. Je demande de l’aide, elle arrive sans traîner sous forme d une petite intuition. C’est donc encore plus à droite que ça va se jouer. Qu’il est bon de trouver autre chose que de grandes barres surplombantes au dessus de sa binoche !
Je me sens plus léger du coup. 16h : rendu en haut du haut. Défait le garçon. C’est mignon de courir en montagne tous les jours à Annecy, mais pas suffisant pour ce genre d’entreprise, je suis gazé. Mais je savoure, tout mon être savoure. Nobody here. Les barbules créent une ambiance fantasmagorique. Comme dirait n’importe quel ancien, tant que tu n’es pas en bas, reste bien concentré ! Ça promet…
Cette descente par l’arête du Hornli, toute câblée soit-elle par endroits, reste un grand moment de bravoure. Je tire mon chapeau aux guides qui osent travailler en ces lieux ! C’est inhospitalier au possible, on se sent happé par le vide au détour de chaque bloc coincé… ou pas… Je ne m’attendais pas à ça, c’est interminable. De cramponnage face planète en hasardeuses désescalades, je me retrouve dans ce joli dépotoire nommé Solvay. Un air de Vallot, l’emballage en alu en moins. Je regarde l’heure, ça va être juste pour décoller et rentrer en glidant sur Zermatt. Je me fais une raison. Le sphinx joue avec les nuages en ce début de soirée, c’est fantastiquement beau !
20h : une belle surprise m’attend à l’hôtel accolé au sommet des remontées. J’y débarque tout pourri, un accueil de fou m’est réservé ! Rien de moins qu’un groupe international de 50 personnes, dont Richard Branson himself, passe une méga-soirée privée en musique. Deux top-zikos-guitaristes-chanteurs mettent le feu. De superbes rencontres, en contraste total avec ma journée en solitaire. Génial, du coup je ne peux refuser bières et autres shooters, j’attends le retour de manivelle qui tarde à arriver. Je suis heureux, simplement. »
Nous avons le plaisir d’accueillir Julien Irilli dans le team Montania en tant qu’ambassadeur. Bienvenue à lui !
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Enfin, nous vous invitons à découvrir ici le site de Julien.
Ainsi que sa page Facebook.
A venir, le compte-rendu intégral (texte, photos, vidéos) du nouvel exploit de Julien : un solo express dans la face nord des Grandes Jorasses dimanche dernier…