Dans le massif du Mont blanc, train, téléphérique et autres artifices mécaniques, permettent de raccourcir fortement les marches d’approche.
En contrepartie quand les conditions sont bonnes, ils transforment certaines voies d’escalade en magasin de vêtement féminin le 1er jour des soldes.
Heureusement, si comme moi, vous recherchez la solitude et l’engagement, il existe encore de nombreux coins très sauvages au dessus de Chamonix comme cette superbe voie Directe Américaine dans la face sud du Fou :-)
La face sud du fou fait clairement partie de ces endroits sauvages, au même titre que le pilier d’angle ou du brouillard.
Et comme ces derniers, ils sont parcourus de voies historiques qui même encore aujourd’hui, demande de s’énerver un peu.
En gros, après la voie, il faut encore 2 jours pour s’en remettre.
Récit de l’ascension de la voie Directe Américaine dans la Face sud du Fou :
Pour cette première visite dans la face sud du Fou (enfin la troisième pour moi, mais ça c’est une autre histoire, une histoire de rimaye notamment), je suis avec Pierrick. Grimpeur et alpiniste, il a surtout développé sa pratique vers la subtilité et la finesse : à savoir le « Dry Tooling » et l’Artif.
Ça tombe bien notre objectif, la voie Directe Américaine, est initialement une voie d’artif, qui en libre, propose des passages bien physiques.
Après une courte nuit et un petit déjeuner expéditif, nous avons la bonne surprise de constater que l’isotherme 0°C est resté aux alentours de 7000m pendant la nuit.
Du coup le regel est pas terrible et c’est non sans brasser que nous rejoignons la base du couloir.
Ce couloir c’est un peu le passage clef de la voie.
D’abord protégé par une solide rimaye, il se transforme en goulotte et petite longueur de mixte.
C’est aussi un véritable entonnoir qui canalise les chutes de pierres !
C’est donc plutôt tendu que nous le remontons et enfin, nous arrivons au pied de la face.
Fini le cailloux péteux et mouillé, maintenant place aux fissures et aux dièdres parfaits.
La deuxième longueur, un 6C+ nous met dans le bain : ça côte sévère !
Le temps que je grimpe cette longueur, de nombreuses choses décident de rejoindre le pied du couloir : 800 kilos de cailloux, 32 m³ de neige et de glace et… le topo… OUPS…
Ensuite les choses (très) sérieuses commencent : une fissure déversante de 30m nous permet de passer l ‘énorme toit en 7.
Coté 7b+ sur le topo, je la trouve plus proche du 8b en ressentit.
Heureusement la fissure est bien humide, voire mouillée, ce qui me donne une très bonne excuse pour allègrement tirer aux points.
La longueur suivante est majeure.
Une dalle rayée d’une fissure bouchée est à l’opposé de la précédente.
Mes amis pectoraux et biceps sont laissés au relais au profit de doigtée et de technique.
Pour la suite, on a un peu tâtonné sans le topo, mais grâce a l’aide de Laurent de l’Ohm, on est resté dans la voie, non sans perdre de temps.
Après de nombreuses longueurs toutes aussi classes que physiques, nous sommes à R11, a seulement 1 longueur de la fin.
L’orage est plus que menaçant, il tonne déjà sur les Grandes Jorasses.
La décision de faire demi-tour est prise, certes à contre cœur, mais nous n’avons aucune envie de descendre le couloir sous l’orage.
4 heures plus tard, dont 2 passées sous la pluie, nous franchissons enfin la porte du refuge !
Comme pour nous narguer, la pluie cesse.
Qu’importe, à l’intérieur nourriture, couverture, poêle allumé sont nos récompenses.
Hélas, nous ne ferons qu’une courte pause car nous devons être dans le vallée le soir même.
Autant dire qu’après 18h de course les 4h de descentes sont trèèèèèèèèèès longues.
Dur dur la vie de masochiste… euh, d’alpiniste !
Matériel spécifique utilisé et testé dans cette voie Directe Américaine par Rapha :
- Veste softshell Dru 3.0 Hoody Jacket couleur red-black et Pantalon Kaiser 2.0 Pant de Directalpine
- Corde Unicore Gully 7.3mm 2 x60m de Béal
- 1 jeu de dégaines longues 17cm dites Ange de Petzl
- 1 jeu de friends Camalots de Black Diamond
- 1 sac de hissage Touchstone 70 de Black Diamond