Raph, Marius et Niels se sont rendus dans le Verdon, avec la ferme intention d’être « de ceux qui ont fait Gueule d’Amour« . Voici leur récit de cette séance d’escalade pas comme les autres…
Quand je dis escalade au Verdon, tout de suite on pense aux grandes envolées verticales sur un caillou gris parfait, criblé de gouttes d’eau, pour le plus grand bonheur des grimpeurs. Jusque-là pas d’erreurs.
On peut aussi ajouter au tableau l’incroyable sensation de vide de ces itinéraires. Le Verdon et ses eaux turquoise continuent inlassablement son travail d’érosion.
N’oublions pas le grand vautour fauve. De par son vol majestueux mais nonchalant, on comprend vite qu’il se moque bien des petits bipèdes, devenus quadrupèdes pour l’occasion, essayant laborieusement de se hisser sur les parois…
Donc voilà, nous avons là le Verdon, carte postale, celui que tout grimpeur sain de corps et d’esprit irait visiter…ce qui n’est pas forcément notre cas en choisissant « Gueule d’Amour« .
Après une visite avec l’ami Marius dans l’incontournable Fête des Nerfs, voie dans laquelle le « broutage de doigts » a pris une nouvelle dimension, nous voici une fois de plus à la recherche de nouveaux projets.
Par hasard, je tombe sur le topo de « Gueule d’Amour« . Une voie de prime abord sans intérêt : 4 longueurs, 6c max, bref, rien de bien palpitant au vu des possibilités du site. Cependant sur le topo il y a ce commentaire : « dans le Verdon, il y a 2 sortes de grimpeurs : il y a ceux qui ont fait Gueule d’Amour et il y a les autres. ». C’est décidé, nous serons de ceux qui l’ont fait.
Ami lecteur, si pour toi l’escalade c’est une discipline qui consiste à s’élever avec grâce, légèreté, technicité ou encore finesse…oublie cette voie !!!
Toujours-là ? Bon très bien, c’est parti ! Sans transition passons aux rappels, qui seront plutôt bien négociés car nous n’en coincerons qu’un seul… sur deux (arrgh !!!). Après moult et moult acharnement pour tirer la corde il faut se rendre à l’évidence, il va falloir remonter. Bon prince, je m’y colle. Après une heure, 55m de remontée sur corde en fil d’araignée et un rappel, la corde se laisse enfin tirer. Pendant ce temps-là Marius et Niels, mes compagnons de cordée du jour, en ont profité pour se faire un petit bronzage « al dente », tout en siestant entre chaque pose de crème solaire (pour récupérer sans doute). Bref c’est, il faut le dire, 2 grosses loutres que je retrouve une fois ma besogne accomplie.
Après ces péripéties, 5 minutes de marche nous amènent au pied de la voie. La belle, ou la bête diront certains, est impressionnante de pureté et d’évidence : un dévers monstrueux coupé de haut en bas par une cheminée plutôt… étroite. La promesse d’une grimpe atypique et en plus au frais, me confirme que nous avons fait le bon choix.
Ah ! Quel plaisir de prendre du plaisir à ramper dans une cheminée malcommode ! Il faut dire que cette fois je n’ai pas de sac, ni de crampons ni de grosses, qu’il n’y a pas de neige et qu’il ne fait pas -10°C. Heureusement, chaque longueur a son petit truc pour pimenter la sauce !
La première longueur par exemple, est clairement dure. Dure car physique et inconfortable : le dos d’un côté, les pieds de l’autre, les genoux derrière les oreilles, elles-mêmes à droite ou à gauche de la tête, ça dépend.
La longueur suivante plus facile est en revanche beaucoup plus engagée mais aussi plus noire, au sens propre du terme. Pour faire clair, dans cette obscurité, l’éloignement des points transforme un peu l’escalade en une séance de course d’orientation pour spéléologue. Bon mental recommandé pour le leader, au risque de regretter cette sombre idée de venir dans cette maudite voie.
La dernière longueur termine cette belle escalade en apothéose. Finie la rassurante cheminée, nous voilà propulsés plein gaz dans un dévers monstrueux. La cotation ? À vue de nez 8b, en réalité 6c.
Eh bien voilà, après cette superbe voie justement nommée Gueule d’Amour, nous sommes de retour sur le magnifique plateau du Verdon.